(6) Après le petit-déjeuner pris à l’hôtel, nous avons rejoint l’institut des aveugles de Marrakech pour aller leur remettre l’appareil photo que nous leur avions promis lors de notre premier passage. Nous avons été reçu par le directeur et l’économe très content de nous revoir, nous avons fait la connaissance de Marie-Rose une sœur de la communauté des franciscains, qui vient 4 après-midi chaque semaine bénévolement animer des loisirs afin de parfaire le français des élèves. Malgré notre planning chargé nous avons accepté de consacrer un peu de temps à Marie-Rose pour lui montrer l’utilisation de certains jeux ou matériel qui était toujours exposé dans la salle, une manifestation autour de notre donation sera organisée en présence du maire de Marrakech qui est le président de l’institut des aveugles de Marrakech dans les prochains jours. Pendant la démonstration du matériel le directeur Abdelghani Dafali nous a fait part d’un entretien avec le recteur de Marrakech sur notre initiative, le résultat c’est que le recteur s’est engagé à fournir une imprimante braille à l’institut. Dafali nous a dit que notre geste en faveur de l’institut a sûrement influencé le recteur dans sa décision d’octroyer une machine braille, qui était demandé depuis longtemps par le corps enseignant. Abdelghani a pris de nombreuses photos avec sa nouvelle acquisition, ensuite c’est dans le parc de l’institut où nous avons été mitraillé par tous les amateurs photographes qui passaient aux alentours. Marie-Rose nous a certifié qu’elle veillerait au bon usage du matériel par les élèves, elle nous a confié son adresse électronique afin que nous puissions communiquer. Nous avons pris la route en direction de Lalla Takerkoust où se trouve le pied à terre marocain de l’association Azimut, nous avons chargé le matériel qui nous restaient à distribuer. Ensuite nous avons descendu la vallée jusqu’à Amizmiz, la route était bordée d’eucalyptus et de sapins, nous sommes au pied du haut Atlas. Arrivés à Amizmiz nous avons pris une piste pour nous rendre dans une auberge traditionnelle gérée par Ali. Ali la trentaine est un des bienfaiteurs des enfants de la montagne association dans laquelle il œuvre en qualité d’homme de terrain, il initie les jeunes au respect de la nature et à la sauvegarde de l’environnement, en plus en sa qualité d’aubergiste il fait partager sa connaissance de la culture berbère à ses hôtes. Ali anime une association qui replante des arbres fruitiers sur des terrains publics ou privés, les arbres sont offerts par l’office des forêts. Nous avons déjeuné à l’intérieur sur des tapis, pour donner l’alerte lors du déferlement de l’oued dans la vallée ali nous raconte. Les village sont situés en quinconce tous les kilomètres tout au long de la vallée, ce qui fait que le village le plus en amont prévient en criant d’un point précis au village en aval de la crue éventuel de l’oued et ainsi de suite de village en village toute la vallée est prévenue du risque éventuelle d’inondation. Il y a quelques années un drame c’est produit dans la vallée de l’Orika, les personnes noyées par la déferlante des eaux étaient pour la plupart des gens de la ville, dont le moyen de communication en cas d’alerte n’était pas compris ou connu. Dans la salle à manger les murs sont en tedlakt (stuc en France(, le procédé est de mélanger de la poudre de marbre que l’on a chauffé et concassé avec du savon noir, on frotte le mélange contre le mur, une fois sec le mur à l’aspect de marbre c’est à ci tromper. L’auberge n’est pas reliée au réseau électrifiée ni à la distribution d’eau, Ali a pallié à ces manques par un réseau de batteries et d’ampoules de mobylette pour donner de la lumière et il a canalisé l’eau du torrent pour alimenter en eau son auberge. L’eau de vaisselle non chargée en détergents chimiques est utilisée pour arroser le jardin potager, la plupart des produits servis à table proviennent de la culture et de l’élevage qui résulte de la ferme attenant à l’auberge exploitée par la famille de Ali. La cuisine de l’auberge est l’affaire de la cousine de Ali et de sa fille ou petite cousine, l’auberge devrait à terme procurer l’emploi à toute la famille, un oncle est propriétaire du moulin à henné situé à proximité de l’auberge. Amizmiz est située aux confins de 4 vallées, il s’y déroule un grand souk tous les mardis, il existe un super parking à mulets qui peut en recevoir près de 1300. Les personnes habitants les villages les plus éloignés arrivent le lundi soir où ils peuvent déjà s’approvisionner en légumes pour le repas du soir. Des locaux de 3 mètres sur 10 sont offerts aux villageois éloignés, dans lesquels sont mis à disposition les ustensiles pour cuisiner et des tapis pour dormir. Le souk débute le mardi à 3 heures jusqu’à 7 heures il est réservé au bétail à 7 heures c’est le souk aux volailles jusqu’à 11 heures. Parallèlement se déroule le souk traditionnel où on trouve fruits, légumes, viande, poteries et depuis peu de nombreux ustensiles en plastique provenant de Chine. Les poteries proviennent de chaque village des vallées qui ont chacun leur spécialité l’un ce sera les tagines, l’autre les cruches, un autre les canons ou bras zéro etc. Grâce à l’entraide les villageois se relaient pour descendre au grand souk de Amizmiz, d’ailleurs on ne pourrait pas vivre dans les vallées très reculées en comptant que sur soi. Aucun prix sur le souk n’excède 500 dirhams à part le bétail, les paysans peuvent y acheter toutes sortes d’outils de travail, des forgerons sont présents au souk afin de réparer les outils ou placer des fers aux sabots des mulets, le vétérinaire peut être consulté sur place. Le souk se termine le mardi à 16 heures, les villageois les plus éloignés peuvent rester dans les locaux prévus à cet effet jusqu’au mercredi matin. Aujourd’hui beaucoup de villages commencent à tracer des pistes, ils louent des camions où ils s’entassent à une quinzaine à l’intérieur avec du bétail, une autre quinzaine de personnes prennent place sur le toit du camion. Chaque village des 4 vallées organise aussi son souk un jour de la semaine, il est beaucoup moins important car les vendeurs viennent uniquement du village. Comme nous nous éternisions trop à table aux histoires intarissables de Ali, Abderhaman depuis le village situé de l’autre côté de la vallée a lancé un appel suivi d’un langage par gestes, quivoulait dire qu’il nous attendait à l’école du village où nous devons faire une distribution de matériel. Nous sommes redescendu à Amizmiz, nous avons pris une piste dans la montagne pour rejoindre le village de Targht, Amizmiz possède des magasins de services en tout genre et une immense station de taxis; La piste est très chaotique, Ali a beaucoup de travail car les buissons sont ornés de nombreux sacs en plastique. Les parcelles cultivables sont délimitées par des branches d’épineux, nous passons devant un verger qui a été planté par l’association d’Ali. Une magnifique kasbah se trouve au bord de la piste, nous croisons des villageois qui descendent à pied à Amizmiz, un âne chemine la piste sous un immense fardeau de bois nous n’apercevons plus que le museau du pauvre animal. Nous longeons une oliveraie à la suite de laquelle est située l’école du village où nous allons remettre nos colis cadeaux, un terrain de foot ball jouxte l’école. Les bâtiments sont en préfabriqué toujours recouverts de tôles ondulées. Nous sommes accueillis par Abderhaman qui tout comme Ali est un membre de terrain de l’association les enfants de la montagne. Comme nous sommes samedi après-midi Abderhaman en l’absence des instituteurs a réussi à rassembler 45 élèves dans une classe sur les 60 élèves inscrits dans cette école. Ali et Abdrhaman ont expliqué le but de notre démarche devant un public très réceptif, ensuite nous avons participé à la distribution du matériel à chaque élève tout en gardant une réserve pour les instituteurs. Les élèves écoutaient leurs grands frères et tout c’est passé à merveille. Une petite fille a ramené un crayon de papier car elle en avait reçu 2, toute la classe a applaudi son geste. Ali a décidé de placer les manuels scolaires dans la bibliothèque de l’école afin que tous les élèves puissent les consulter. Comme le nombre de gommes et de taille crayons était insuffisant, les élèves ont désigné pour chaque classe le responsable de la gomme et du taille crayon. Ensuite une fille a été nommée comme responsable du ballon de basket ball, quant au ballon de foot ball en cuir Abderhaman décida que l’instituteur en serait le gardien. Petite révolution car les garçons ont tout de suite demandé comment ils feraient pour jouer avec le ballon pendant les vacances scolaires, Ali et Abdrhaman ont donc décidé de désigner un responsable, à l’unanimité la classe ont scandé le nom de Rachid. En une petite heure nous avons assisté à la vraie démocratie participative, dans laquelle le citoyen c’est-à-dire l’enfant décide pour lui quelle belle leçon. Les enfants avaient entre 6 ans et 12 ans, ils étudient à l’école primaire pendant 6 ans, ensuite s’ils réussissent l’examen ils peuvent continuer au collège situé à Amizmiz situé à 7 kilomètres du village. Comme les familles n’ont pas les moyens de scolariser les enfants après 12 ans, les études sont donc interrompues et ils restent à la maison pour aider au travail des parents. Comme dans les 3 écoles visitées précédemment l’intérieur des classes est désolant et quelques enfants sont pieds nus. Après une photo souvenir à l’extérieur avec tous les enfants, nous avons eu droit à une collation offerte par les parents des élèves du village. Targht compte 400 habitants et n’est situé qu’à 56 kilomètres de Marrakech, ville où l’opulence de certains peut nous faire réfléchir sur la répartition de la richesse marocaine. Nous avons redescendu Abderhaman à Amizmiz, nous avons repris la piste qui mène à l’auberge de Ali, peu avant se trouve une caserne désaffectée avec ses tours crénelées à proximité de laquelle, le fils de l’ancien médecin du roi Hassan II se construit un véritable petit palais lequel par miracle sera raccordé au réseau électrifié. Arrivés à l’auberge certaines se sont initiées au hammam familiale pendant que d’autre se reposaient, avant le repas nous avons eu la visite du directeur des écoles de Amizmiz qui est également président de l’association des enfants de la montagne, afin de finaliser notre dernière distribution qui se fera après notre départ. En commun nous avons choisi un village situé à 2200 mètres dans la vallée Erdouz il s’appelle Adtaouda. Il est très difficile d’accès, comme il sera prochainement électrifié, nous laisserons également 2 ordinateurs à l’école afin que les jeunes instituteurs formés à l’informatique sensibilisent les élèves à ce nouveau moyen de savoir et de communication. Ensuite nous sommes passés à table toujours sur des tapis pour déguster un trid, qui est le plat traditionnel offert quant il y a une naissance dans une famille. Après le repas Ali nous a expliqué la culture et les mœurs des berbères en abordant les marabouts, le mariage etc., c’est bien fatigué que tout le monde s’en est allé se coucher.
(7) Après le petit déjeuner pris dehors sur des tapis, nous avons échangé les coordonnées des 2 écoles des montagnes afin qu’elles puissent échanger avec l’école primaire de Saint-Gély du Fesc, certains se sont risqués au henné dispensé par Djamina la petite cousine de Ali. En fin de matinée nous avons rendu visite à Mohamed le potier, dont la spécialité de son village est le tagine. Le potier est âgé de 70 ans, il travaille dans un atelier de 2 mètres sur 4 dans lequel est creusé un trou où est disposée une roue en pierre qui entraîne son tour. Il est assis à même le sol, de son poste de travail il est en communion avec son bétail vache, mouton, chèvre et âne, il est à l’écoute de sa famille car une porte d’accès à son habitation donne directement à l’atelier. Les outils de travail sont très rudimentaires, le tagine se fabrique en 4 étapes le fond, le contenant, le couvercles et le bouton Mohamed vend son tagine fini 50 dirhams soit 0,5 euro, à qui profite le labeur des artisans berbères. Devant la maison est creusé un trou qui fait office de four à cuire les tagines produits, le four peut contenir 300 tagines et le bois de chauffage. De retour à l’auberge nous avons dégusté un excellent couscous, ensuite nous avons pris la route de l’aéroport de Marrakech. Nous nous sommes arrêtés à Amizmiz pour acheter des gants nécessaires au hammam, nous avons retrouvé le bruit de la civilisation et la pollution en arrivant à Marrakech. Nous avons embarqué pour Marseille en milieu d’après-midi en laissant Gilles et Jean-Claude au Maroc qui doivent accompagner Ali pour remettre les derniers cadeaux dans le village de la vallée d’Erdouz.
Ce voyage riche en odeurs aura été une expérience forte en émotions que nous n’oublierons pas de si tôt. Une découverte du Maroc et des berbères loin des chemins touristiques. Nous pouvons dire un grand merci à nos guides Alberte, Christine et Clairette à Gilles et Jean-Claude pour leur maîtrise et leur connaissance du terrain. Enfin nous remercions toutes les associations et personnes qui ont répondues présentes à notre appel en ous octroyant des subventions, du matériel et des soutiens logistiques nous pensons que tout le monde se reconnaîtra. Le plus important pour nous c’est d’avoir répondu à la demande de matériel spécialisé à l’institut des aveugles de Marrakech et rendu des enfants heureux dans les villages de montagne et du désert comme le témoignent les messages que nous recevons. Claudine Passepont et Michel Michelland